POURQUOI NOUS NOUS ATTAQUONS AU PROTOCOLE DE PREAVIS DE GREVE ?

COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF DES ÉCOLES DE MARSEILLE

Le 8 février 2021, le conseil municipal approuvait à la majorité la délibération n°21-36604-DGARH du Conseil Municipal de la Ville de Marseille approuvant ainsi l’accord visant à assurer la continuité des services publics d’accueil des enfants de moins de trois ans, et de restauration collective et scolaire de la Ville de Marseille en cas de grève des agents publics participant directement à leur exécution.

Premier grief : l’atteinte à la vie démocratique

Lors de ce conseil municipal, le mode de scrutin public demandé par M. le Conseiller Pierre Robin n’a pas été proposé à l’assemblée par M. le Maire Benoît Payan alors même que cette demande à été comprise et acceptée par M.le Maire mais est restée sans suite. 

Pierre Robin :

Et puis, enfin, puisque c’était une demande de certaines organisations syndicales, qui, manifestement, ne sera pas reprise par votre majorité, nous souhaitions proposer, pour que la clarté du vote de chacun soit totale, un scrutin public sur ce rapport.

Réponse de M le Maire.2 Benoît Payan : 

Alors, la martingale, je vois ce qui est en train de se passer avec le groupe LR qui tente le scrutin public. Je fais un conseil et je vais vous raconter une histoire. Vous allez le faire, et vous allez comprendre que cette majorité n’est pas une caserne. 

Bon bah, finalement, rien ne se fera, M. Le Maire Benoît Payan ne demandera pas le scrutin public et personne ne pourra apprécier si la majorité est une caserne ou non, mais nous avons notre petite idée …

A ceux qui diront que le mode de scrutin public n’aurait rien changé à l’issue du vote,  nous répondons par l’affirmative  mais nous les invitons à comprendre l’esprit du scrutin public et l’intérêt politique de cet outil pour une assemblée délibérante, qui permet justement d’apprécier individuellement le positionnement de chaque élu. 

M. le Maire le sait.

Sa réponse le confirme. 

Pourtant, le débat n’aura pas lieu dans l’assemblée… ni dans l’assemblée, ni ailleurs …

Nous ne comprenons même pas comment les usagers n’ont pas été sollicités pour construire un tel accord… Certains s’en réfèrent à la loi pour le justifier mais avouez que les premiers concernés par une continuité du service public, sont les usagers du service public eux mêmes (ou leurs représentants légaux cad, en l’occurence, les parents d’élèves).

Si nous insistons sur cette importance du mode de scrutin public, c’est que notre deuxième grief porte sur un détail du protocole qui n’est pas digne de l’école de la République.

Deuxième grief : L’indignité du protocole 

Notre second grief porte sur le contenu de cet accord, tout particulièrement concernant le taux d’encadrement en nombre d’agents indispensables pour maintenir la continuité du service minimum essentiel, tel que le précise l’article L114-8 précise :

“Afin de garantir la continuité du service public, l’accord détermine les fonctions et le nombre d’agents indispensables ainsi que les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible de ces services, l’organisation du travail est adaptée et les agents présents au sein du service sont affectés.”

Voilà, et donc l’accord qui promet de ”recoudre” la ville précise : 

1 agent pour 30 enfants de 3 à 6 ans, 1 agent pour 60 enfants de 6 à 11 ans, nous considérons là que ce taux ne garantit en rien la continuité du service public, mais bien au contraire qu’il est facteur de risque supplémentaire pour nos enfants, risque constitutif d’un défaut implicite d’organisation du service.

Nous rappelons que les agents font grève pour dénoncer ces conditions indignes et que s’attaquer au droit de grève sans améliorer le taux d’encadrement c’est mener une politique de l’autruche dangereuse qui fait prendre des risques aux enfants comme nous allons le démontrer.

Nous en profitons pour rappeler que Marseille considère toujours le temps de pause méridienne comme un temps récréatif et non comme un temps d’Accueil Collectif de Mineurs (ACM). 

Aussi étrange et incroyable que cela puisse paraître, sur un temps récréatif, aucun texte de loi ne contraint la collectivité à respecter un taux d’encadrement des enfants. Elle pourrait mettre un agent pour 100 enfants qu’elle enfreindrait aucune réglementation.

Enfin presque … 

Parce que la Cour administrative d’appel de Lyon en 1989 a considéré que la présence d’une seule surveillante pour cinquante enfants utilisant la cantine devait être regardée comme constitutive d’un défaut d’organisation du service qui a rendu possible l’accident survenu à un jeune enfant à la suite d’une dispute et a ainsi été, malgré le caractère difficilement prévisible des gestes des jeunes enfants, de nature à engager la pleine responsabilité de la commune de Jonquières (84)…

Faut-il qu’un drame arrive pour que la ville soit condamnée et décide de rendre digne l’encadrement de la pause méridienne ?

Marseille est la seule grande ville qui continue de déconsidérer ce temps de pause méridienne de 11h30 à 13h30 en maintenant un taux d’encadrement indigne des enfants de l’école de la République, alors que les autres villes imposent des taux d’1 agent pour 14 élèves en maternelle et d’1 agent pour 18 élèves en élémentaire.

Les taux d’encadrement de la ville de Marseille en fonctionnement dit “normal” sont de 1 adulte pour 25 enfants en école maternelle, et de 1 agent pour 50 enfants en école élémentaire.

Nous avons donc fait appel à cette jurisprudence pour étayer notre grief.

Il est temps d’en finir avec cette indignité de la pause méridienne, il est plus que temps de “recoudre” la Ville…

“Recoudre la ville” c’est avant tout en finir avec la mise à sac programmée depuis plus de 25 ans de ce service public qu’est l’école publique.

“Recoudre la ville”, c’est avant tout considérer et valoriser le travail de ses agents.

“Recoudre la ville”, c’est avant tout considérer tous ses habitants, et en premier lieu ses enfants.

Pour un Accueil Collectif de Mineurs digne de ce nom, en élémentaire, les agents devront être en nombre suffisant pour veiller à la sécurité et au bien-être des enfants en appui d’une véritable équipe d’animation pour les 45 000 demi-pensionnaires quotidien des écoles publiques de Marseille. 

Prendre soin des enfants c’est un métier, animer, c’est un métier. 

“Recoudre la ville” et ses habitants, c’est animer la vie de la communauté. 

La ville manque d’animateurs, elle doit rapidement construire sa propre filière de formation, pour former des animateurs municipaux. Nous ne pouvons plus accepter des animateurs sous payés et non qualifiés.

Nous œuvrons pour le bien-être des enfants, bien-être qui est étroitement lié au respect des agents de la ville.

L’étymologie du mot Animer devrait en inspirer plus d’un : du latin animare (« donner de la vie »), de anima (« souffle, vie ») sur https://fr.m.wiktionary.org/wiki/animer, c’est bien de cela qu’il s’agit : de donner vie à Marseille et non pas de la “recoudre”, il s’agit de lui redonner son âme, sa force, sa vivacité, l’encourager, quitte à la mettre en colère…

La conseillère Éducation, Université, jeunesse, petite enfance, éducation populaire et Bâti scolaire au Cabinet du Maire, fraîchement descendue de Paris, devant le conseil municipal, au pied de notre banderole « Égalité – Qualité – Transparence, Vive l’école publique », renvoie nos militants sur place dans leurs 18 mètres en concluant l’échange par un « je vous laisse avec vos certitudes ». La classe…

Nous enjoignons la conseillère au cabinet du Maire d’aller dans les écoles publiques de Marseille le temps de la pause méridienne, histoire de bouleverser ses propres certitudes.

Nous militons pour un respect du code des relations entre le Public et l’administration, pour une meilleure information des usagers, et le respect du droit à l’éducation pour tous les enfants dans des conditions dignes.

Nous rappelons que nous sommes toujours en attente de communication d’éléments sur les sujets suivants :

  • Effectifs prévus des agents par école et par nature du poste (surveillance cantine, entretien, …)
  • Situation des absences des agents par secteur des écoles
  • Diagnostic amiante des écoles
  • Rapports des commissions de sécurité incendie
  • Fiches techniques des plats industriels et des produits achetés par la Sodexo 
  • Situation de l’agenda ad’ap des Établissements municipaux recevant du public, et tout particulièrement les écoles publiques de Marseille
  • Liste du patrimoine de la ville par affectation et désaffecté avec les cessions depuis 2014
  • Les rapports des DSP, tout particulièrement les DSP de la Sodexo et de l’ensemble des Maisons Pour Tous
  • Les statistiques sur les dérogations à la carte scolaire
  • La liste des demandes de travaux ou d’interventions par école
  • Les registres des incidents accidents des écoles 

Nos demandes ont été faites dans les règles, nous avons sollicité la CADA, et nous en sommes à faire tristement des recours au Tribunal Administratif.

La ville a les moyens nécessaires pour faire une pause méridienne digne des écoles de la République. Les recettes de la ville augmentent considérablement sans commune mesure avec le passé, malheureusement sans réelle augmentation du budget de fonctionnement des écoles (voire une diminution) ! Le budget d’austérité adopté par le Printemps Marseillais servira certainement sa communication politique en 2026 sur le désendettement massif opéré mais les enfants des écoles publiques de Marseille ne peuvent pas attendre 2026 pour vivre une pause méridienne dans des conditions assurant leur bien-être et leur sécurité.

Nous militons pour que les parlementaires légifèrent rapidement sur l’obligation du taux d’encadrement de la pause méridienne. L’ancienne députée Cathy Racon-Bouzon avait tenté en 2019 un amendement sur le taux d’encadrement de la pause méridienne, amendement qu’elle avait “courageusement” retiré en peine nuit de “débat” parlementaire en prétextant que son propre groupe n’aurait  pas voté son amendement … en vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=O4X8Wf0EFgk.

Nous espérons vivement que ce recours permette de mettre en lumière ce défaut réglementaire sur l’encadrement de la pause méridienne des écoles publiques. 

Certaines collectivités ont manifestement besoin d’avoir des contraintes réglementaires, l’évidence et le bon sens ne semblant pas les contraindre. 

La ville de Marseille en est un triste exemple.

Le CeM, Collectif des écoles de Marseille 

(Prononcez le seum, nous y tenons)

Pour les passionnés d’étymologie, voici celle du verbe recoudre : 

https://fr.m.wiktionary.org/wiki/recoudre … c’est moins glamour…

Début 2021, une pétition lancée sur https://urgence-marseille.fr réunit plus de 2000 signataires, essentiellement des parents d’élèves,  pour dénoncer ces taux d’encadrement indignes et dangereux des écoles de la République.